Fin de la saga du « barème Macron »
Le « barème Macron » s’impose désormais au juge.
Il appartient au juge de déterminer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en respectant, dans tous les cas, les montants minimaux et maximaux fixés au barème légal.
Ainsi vient d’en décider la Cour de cassation, mettant fin ainsi à plusieurs années de bataille judiciaire.
Cass. soc. 11-5-2022 n° 21-15.247 FP-BR, Sté FSM c/ O. ; Cass. soc. 11-5-2022 n° 21-14.490 FP-BR, Sté Pleyel centre de santé mutualiste c/ E.
Se prononçant pour la première fois sur la validité et l’application du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, communément appelé « Barème Macron », la chambre sociale de la Cour de cassation juge, dans un arrêt du 11 mai 2022 que le juge ne peut en aucun cas s’en écarter.
Pour mémoire, ce barème a été introduit à l’article L 1235-3 du Code du travail par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Ce dernier détermine l’indemnité que doit verser l’employeur à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse : son montant est compris entre un minimum et un maximum, variant en fonction de l’ancienneté du salarié et du nombre de salarié dans l’entreprise.
Or auparavant, le juge devait prendre en compte tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié licencié lorsqu’il fixait le montant de l’indemnité due par l’employeur.
Désormais, le préjudice est encadré dans un barème, le juge ne peut plus en sortir.
La décision de la chambre sociale, était très attendue, et constitue l’épilogue d’une saga judiciaire qui aura duré près de 4 ans.
En effet, le barème a fait polémique et a divisé la doctrine dès la publication de l’ordonnance ; son application a fait l’objet de contestations devant les conseils de prud’hommes dès 2018, au motif qu’il serait contraire à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne.
Le premier texte dispose que, si les juges « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Le deuxième prévoit que, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motifs valables à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Ainsi, ces deux textes reconnaissent aux salariés dont le licenciement est injustifié un droit à une réparation adéquate et appropriée.
Certains juges ont admis la conventionalité du barème d’autre ont accordé des montants supérieurs pour une réparation adéquate aux préjudices.
Malgré l’avis rendu par la Cour de cassation réunie en formation plénière, qui, reconnaissant un effet direct à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, a conclu à la compatibilité du barème avec ce dernier texte (Avis Cass. 17-7-2019 n° 19-70.010 : RJS 11/19 n° 563), cette divergence d’interprétation a persisté, les avis de la Haute Cour ne s’imposant pas aux tribunaux, et s’est retrouvée au niveau des cours d’appel.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt n° 21-14.490, la cour d’appel de Paris avait écarté l’application du barème, considérant qu’elle ne permettait pas une indemnisation adéquate de la salariée concernée, en méconnaissance de l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT : la somme maximale prévue par ce barème (17 615 € compte tenu de ses 4 ans d’ancienneté) couvrait à peine la moitié du préjudice tenant à la diminution des ressources financières depuis le licenciement. Prenant en compte la situation concrète et particulière de l’intéressée, son âge (53 ans à la date de la rupture et 56 ans à la date du jugement), son ancienneté, sa capacité à trouver un nouvel emploi au vu de sa formation et de son expérience professionnelle et les conséquences du licenciement à son égard, les juges lui ont alloué une indemnité de 32 000 € (CA Paris 16-3-2021 n° 19/08721 : RJS 6/21 n° 303).
L’employeur contestait cette position et soutenait plusieurs arguments à l’appui de son pourvoi.
Selon lui, d’une part, un contrôle de conventionalité « in concreto » ne s’applique que dans le champ de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, d’autre part, il ne peut être exercé qu’au regard d’un droit fondamental, ce qui n’est pas le cas du droit à réparation adéquate pour licenciement injustifié et, enfin, il est contraire à l’égalité des citoyens devant la loi et est source d’insécurité juridique.
La chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison et censure la décision des juges du fond.
Désormais, dès que c’est possible, les salariés iront sur le terrain de la nullité du licenciement en invoquant notamment une discrimination, un harcèlement ou à faire valoir le caractère brutal ou vexatoire du licenciement pour obtenir une meilleure réparation.
Allons-nous vers une fin du licenciement sans cause réelle et sérieuse ?