Mutation, sanction disciplinaire et religion

La mutation disciplinaire d’un salarié ne constitue pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses lorsqu’elle est motivée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Le refus d’une mutation à titre disciplinaire pour cause de religion

En droit français, la liberté de religion est un principe constitutionnel garant de notre démocratie.

En droit du travail, l’article L. 1132-1 du Code du travail dispose que « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».

Par conséquent, il est interdit toute sanction ou tout licenciement en raison des « convictions religieuses » du salarié.

Or, le salarié peut invoquer un motif religieux pour se soustraire à des actes attendus de lui en application du contrat de travail.

Dans ce cas l’employeur doit se questionner sur le seuil d’admissibilité du refus ainsi opposé par son salarié.

La religion d’un salarié peut-elle remettre en cause l’exécution du contrat de travail ? Comment l’employeur peut-il alors intégrer ce paramètre dans la gestion courante de l’entreprise ?

C’est tout l’objet de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 janvier 2022.

En l’espèce, un salarié travaillant en qualité de chef d’équipe dans une entreprise de nettoyage a été muté, dans le respect de sa clause de mobilité, sur le site d’un cimetière. Après avoir refusé cette mutation du fait d’une incompatibilité d’horaires avec d’autres obligations professionnelles, le salarié invoquait ses convictions religieuses hindouistes lui interdisant de travailler dans un cimetière.

Face au refus réitéré du salarié de prendre son nouveau poste, l’employeur lui notifiait une mutation disciplinaire sur un autre site ; mutation qui a été une nouvelle fois refusée par le salarié. L’employeur a donc initié une procédure de licenciement.

Le salarié a saisi le Conseil de Prud’homme, en invoquant une discrimination fondée sur les croyances religieuses, afin d’obtenir la nullité de la mutation disciplinaire et du licenciement.

La Cour d’appel de Paris accédait à sa demande et prononçait la nullité de la sanction disciplinaire et du licenciement et condamnait l’employeur au versement de diverses sommes.

L’employeur a formé un pourvoi en cassation.

La Haute Cour casse et annule l’arrêt rendu par les juges d’appel en rappelant que « les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ».

La Cour de cassation estime que l’employeur a, dans une juste proportion, mis en balance les intérêts légitimes de l’entreprise et les considérations propres aux croyances religieuses du salarié. Aussi, la mutation disciplinaire ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses.

Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation rendu le 19 janvier 2022 n°20-14014